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LA RÉVOLUTION RUSSE

par l’Amirauté que domine une svelte flèche d’or ; à gauche, s’allonge la ligne majestueuse du palais du Saint-Synode, faisant face à la partie du jardin où, debout sur son roc de granit, se cabre le cheval de bronze monté par Pierre le Grand. Si quelque chose peut émouvoir encore l’immortel cavalier, ce sont bien les clameurs dont, en ces tragiques jours, ce paysage de gloire a retenti. En traçant les plans de sa majestueuse capitale, en y ménageant ces vastes espaces, destinés aux déroulements des cortèges impériaux, le grand Romanov ne se doutait guère qu’il travaillait pour une révolution, que son génie même ne pouvait prévoir.

Sur la place du Palais, des soldats font l’exercice. Comment ne pas noter l’opposition entre cette scène de discipline militaire et la scène de révolte impérieuse qui s’y déroula, il y a trois jours ? Suprême avertissement de l’armée à ceux qui délibèrent : « Vous êtes la pensée de la révolution, mais nous en sommes, nous, la force agissante. Rien de ce que vous êtes en train de décider là-haut ne se pourra exécuter que par le consentement de nos baïonnettes ! » Là est l’erreur initiale de la