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LA RÉVOLUTION RUSSE

surexcitée demanda qu’on lui livrât les prisonniers. Le commissaire essaya vainement de calmer l’effervescence. Entouré, presque menacé à son tour, il ne put obtenir qu’un vote à main levée pour décider si les prisonniers devaient être livrés à la foule ou laissés entre ses mains. Le premier parti l’emporta. Aussitôt les paysans, froidement féroces, se jetèrent sur les prisonniers et les battirent jusqu’à ce que, couverts de sang, étendus par terre, ils ne donnassent plus signe de vie.

Puis on prit les corps et on les jeta sous un hangar. Un de ces malheureux ayant repris ses sens, la foule s’empara d’eux de nouveau, les battit et les piétina. Enfin, un soldat s’élança vers le groupe des misérables aux trois quarts assommés et, debout sur le tas de chairs tuméfiées, se mit à le larder de coups de baïonnette.

L’esprit s’arrête, confondu, devant de telles horreurs. Et cependant le peuple russe est bon. Mais une fois l’ère des violences et des représailles ouverte, qui pourra en fixer les limites ? Et, jusque dans les campagnes, c’est presque toujours l’armée qui entraîne le peuple.