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UNE SEMAINE D’OURAGAN RÉVOLUTIONNAIRE

quels on a imposé un trop grand effort. Depuis trois ans, c’est par millions qu’on les jetait dans la gueule du Moloch allemand ! Certains d’entre eux, venus de quelque tranquille province de la Russie centrale, poussés sur les champs de bataille, ignorants et étonnés, ont fait successivement tous les fronts. Ils n’ont quitté les neiges des Karpathes où l’on enfonce jusqu’aux épaules que pour aller patauger dans les marais du Pinsk et de Riga, ou pour gravir, le ventre vide, les infranchissables montagnes d’Erzeroum. Qui dira les imméritées souffrances du soldat russe ? C’est à pleurer de pitié et à s’agenouiller de douleur ! Pendant la retraite de Galicie, faute de cartouches et d’obus, ils répondaient au tonnerre formidable des canons par des attaques à la baïonnette ; pendant celle de Pologne, n’ayant même plus de fusils, ils ramassaient des pierres pour les jeter aux Allemands. Lors de la brillante offensive de Radko Dmitrielf (décembre 1916), des compagnies entières se sont noyées, la nuit, dans la boue glacée des marécages. Il y a quelques mois encore, en Russie, le soldat n’était pas un homme, mais un matériel de guerre. À