Page:Markovitch - La Révolution russe vue par une Française, 1918.djvu/101

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
97
UNE SEMAINE D’OURAGAN RÉVOLUTIONNAIRE

en Russie se croit en droit d’être hautain, arrogant, voire brutal.

Même après la Révolution de 1905 les punitions corporelles n’ont pas disparu du code militaire russe. Un jeune docteur militaire m’a assuré qu’avant la révolution il arrivait encore qu’un soldat fût passé par les verges, même sur le front.

— Il est vrai, m’a-t-il dit, que c’était presque toujours dans des cas où les sévérités de la discipline eussent exigé la peine de mort.

Un autre officier m’a raconté ceci :

— Un jour de la fin de l’hiver 1916, j’arrive à N… et je me rends tout droit à la caserne. La ville regorgeait de soldats. N… est un des centres militaires les plus importants du Nord-Ouest. Elle reçoit surtout les paysans des gouvernements du Nord, qui sont les plus arriérés de la Russie. Aussi est-elle renommée pour l’ignorance de ses recrues. Ce sont de braves gens, mais qu’aucun facteur de civilisation n’a touchés. Leurs villages restent isolés les uns des autres pendant la plus grande partie de l’année : les hommes n’y ont de contact entre eux qu’à l’époque des foires où l’on s’en va vendre les peaux des