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Dorante.

Tant mieux, Lisette. J’aurai soin de vous deux. Lépine est un garçon à qui je veux du bien, et tu me parais une bonne fille.

Lépine.

Allons, la petite, ripostons par deux révérences, et partons ensemble. (Ils saluent.)

Dorante.

Ah çà ! Lisette, puisqu’à présent je puis me fier à toi, je ne ferai point difficulté de te confier un secret ; c’est que j’aime passionnément ta maîtresse, qui ne le sait pas encore ; et j’ai eu mes raisons pour le lui cacher. Malgré les grands biens que m’a laissé mon père, je suis d’une famille de simple bourgeoisie. Il est vrai que j’ai acquis quelque considération dans le monde ; on m’a même déjà offert de très grands partis.

Lépine.

Vraiment ! tout Paris veut nous épouser.

Dorante.

Je vais d’ailleurs être revêtu d’une charge qui donne un rang considérable ; d’un autre côté, je suis étroitement lié d’amitié avec le marquis, qui me verrait volontiers devenir son gendre ; et, malgré tout ce que je dis là pourtant, je me suis tu. Angélique est d’une naissance très distinguée. J’ai observé qu’elle est plus touchée qu’une autre de cet avantage-là, et la fierté que je lui crois là-dessus m’a retenu jusqu’ici. J’ai eu peur, si je me déclarais sans précaution, qu’il ne lui échappât quelque trait de dédain, que je ne me sens pas capable de sup-