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Dorante ? Quel peut avoir été le motif d’un zèle si vif ? Quels moyens a-t-il employés pour vous faire agir ?

Lisette.

Je crois vous entendre ; vous gageriez, j’en suis sûre, que j’ai été séduite par des présents ? Gagez, madame, faites-moi cette galanterie-là ; vous perdrez, et ce sera une manière de donner tout à fait noble.

Dorante.

Des présents, madame ! Que pourrais-je lui donner qui fût digne de ce que je lui dois ?

Lisette.

Attendez, monsieur ; disons pourtant la vérité. Dans vos transports, vous m’avez promis d’être extrêmement reconnaissant, si jamais vous aviez le bonheur d’être à madame ; il faut convenir de cela.

Angélique.

Eh ! je serais la première à vous donner moi-même.

Dorante.

Que je suis à plaindre d’avoir livré mon cœur à tant d’amour !

Lisette.

J’entre dans votre douleur, monsieur ; mais faites comme moi. Je n’avais que de bonnes intentions ; j’aime ma maîtresse, tout injuste qu’elle est ; je voulais unir son sort à celui d’un homme qui lui aurait rendu la vie heureuse et tranquille ; mes motifs lui sont suspects, et j’y renonce. Imitez-moi, privez-vous de votre côté du plaisir de voir Angélique, sacrifiez votre amour à ses inquiétudes ; vous êtes capable de cet effort-là.