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Angélique, tristement.

Je pourrais bien avoir tort ; voilà des réflexions que je n’ai jamais faites.

Madame Argante.

Eh ! ma chère enfant, qui est-ce qui te les ferait faire ? Ce n’est pas un domestique payé pour te trahir, non plus qu’un amant qui met tout son bonheur à te séduire. Tu ne consultes que tes ennemis ; ton cœur même est de leur parti. Tu n’as pour tout secours que ta vertu qui ne doit pas être contente, et qu’une véritable amie comme moi, dont tu te défies ; que ne risques-tu pas ?

Angélique.

Ah ! ma chère mère, ma chère amie, vous avez raison, vous m’ouvrez les yeux, vous me couvrez de confusion. Lisette m’a trahie, et je romps avec le jeune homme. Que je vous suis obligée de vos conseils !

Lubin, entrant, à Mme Argante.

Madame, il viant d’arriver un homme qui demande à vous parler.

Madame Argante, à Angélique.

En qualité de simple confidente, je te laisse libre. Je te conseille pourtant de me suivre, car le jeune homme est peut-être ici.

Angélique.

Permettez-moi de rêver un instant, et ne vous embarrassez point ; s’il y est et qu’il ose paraître, je le congédierai, je vous assure.