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Angélique.

Une grâce, ma mère ! Voilà un mot qui ne me convient point. Ordonnez, et je vous obéirai.

Madame Argante.

Oh ! si tu le prends sur ce ton-là, tu ne m’aimes pas tant que je croyais. Je n’ai point d’ordre à vous donner, ma fille ; je suis votre amie, et vous êtes la mienne ; et si vous me traitez autrement, je n’ai plus rien à vous dire.

Angélique.

Allons, ma mère, je me rends ; vous me charmez, j’en pleure de tendresse. Voyons, quelle est cette grâce que vous me demandez ? Je vous l’accorde d’avance.

Madame Argante.

Viens donc que je t’embrasse. Te voici dans un âge raisonnable, mais où tu auras besoin de mes conseils et de mon expérience. Te rappelles-tu l’entretien que nous eûmes l’autre jour, et cette douceur que nous nous figurions toutes deux à vivre ensemble dans la plus intime confiance, sans avoir de secrets l’une pour l’autre ; t’en souviens-tu ? Nous fûmes interrompues ; et cette idée-là te réjouit beaucoup, exécutons-la ; parle-moi à cœur ouvert ; fais-moi ta confidente.

Angélique.

Vous, la confidente de votre fille ?

Madame Argante.

Oh ! votre fille, et qui te parle d’elle ? Ce n’est point ta mère qui veut être ta confidente ; c’est ton amie, encore une fois.