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tiers à tous les amants : N’est-il pas vrai que ma figure vous chicane ? à leurs maîtresses : Où en serait votre fidélité, si je voulais ? à l’indifférente : Vous n’y tenez point ; je vous réveille, n’est-ce pas ? à la prude : Vous me lorgnez en dessous ? à la vertueuse : Vous résistez à la tentation de me regarder ? à la jeune fille : Avouez que votre cœur est ému ! Il n’y a pas jusqu’à la personne âgée qui, à ce qu’il croit, dit en elle-même en le voyant : Quel dommage que je ne sois plus jeune !

Ergaste, riant.

Ah ! ah ! ah ! je voudrais bien que le personnage vous entendît.

La Marquise.

Il sentirait que je n’exagère pas d’un mot. Il a parlé d’un mariage qui a pensé se conclure pour lui, mais que trois ou quatre femmes jalouses, désespérées et méchantes, ont trouvé sourdement le secret de faire manquer. Cependant il ne sait pas encore ce qui arrivera : il n’y a que les parents de la fille qui se soient dédits ; mais elle n’est pas de leur avis. Il sait de bonne part qu’elle est triste, qu’elle est changée ; il est même question de pleurs ; elle ne l’a pourtant vu que deux fois. Et ce que je vous dis là, je vous le rends un peu plus clairement qu’il ne l’a conté. Un fat se doute toujours un peu qu’il l’est ; et, comme il a peur qu’on ne s’en doute aussi, il biaise, il est fat le plus modestement qu’il lui est possible, et c’est justement cette modestie-là qui rend sa fatuité sensible.

Ergaste, riant.

Vous avez raison.

La Marquise.

À côté de lui était une nouvelle mariée, d’en-