Page:Marivaux - Théâtre, vol. II.djvu/302

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le Marquis.

Ma foi, je pense que je voudrais ne vous avoir jamais vue.

La comtesse.

Votre inclination s’explique avec des grâces infinies.

Le Marquis.

Bon ! des grâces ! À quoi me serviraient-elles ? N’a-t-il pas plu à votre cœur de me trouver haïssable ?

La comtesse.

Que vous êtes impatientant avec votre haine ! Eh ! quelles preuves avez-vous de la mienne ? Vous n’en avez que de ma patience à écouter la bizarrerie des discours que vous me tenez toujours. Vous ai-je jamais dit un mot de ce que vous m’avez fait dire, ni que vous me fâchiez, ni que je vous hais, ni que je vous raille ? Toutes visions que vous prenez, je ne sais comment, dans votre tête, et que vous vous figurez venir de moi ; visions que vous grossissez, que vous multipliez à chaque fois que vous me répondez ou que vous croyez me répondre ; car vous êtes d’une maladresse ! Ce n’est non plus à moi que vous répondez, qu’à qui ne vous parla jamais ; et cependant monsieur se plaint !

Le Marquis.

C’est que monsieur est un extravagant.

La comtesse.

C’est du moins le plus insupportable homme que je connaisse. Oui, vous pouvez être persuadé qu’il n’y a rien de si original que vos conversations avec moi, de si incroyable.

Le Marquis.

Comme votre aversion m’accommode !