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fille ; vous le savez, j’ai le coup d’œil assez bon, et je ne l’aime pas. Croyez-moi, vous avez entendu la menace que Dubois a faite en parlant de lui ; j’y reviens encore, il faut qu’il ait quelque chose à en dire. Interrogez-le ; sachons ce que c’est. Je suis persuadée que ce petit monsieur-là ne vous convient point ; nous le voyons tous ; il n’y a que vous qui n’y prenez pas garde.

Marton, négligemment.

Pour moi je n’en suis pas contente.

Araminte, riant ironiquement.

Qu’est-ce donc que vous voyez, et que je ne vois point ? Je manque de pénétration ; j’avoue que je m’y perds. Je ne vois pas le sujet de me défaire d’un homme qui m’est donné de bonne main, qui est un homme de quelque chose, qui me sert bien, et que trop bien peut-être. Voilà ce qui n’échappe pas à ma pénétration, par exemple.

Madame Argante.

Que vous êtes aveugle !

Araminte, d’un air souriant.

Pas tant ; chacun a ses lumières. Je consens, au reste, d’écouter Dubois ; le conseil est bon et je l’approuve. Allez, Marton, allez lui dire que je veux lui parler. S’il me donne des motifs raisonnables de renvoyer cet intendant assez hardi pour regarder un tableau, il ne restera pas longtemps chez moi ; sans quoi, on aura la bonté de trouver bon que je le garde, en attendant qu’il me déplaise, à moi.

Madame Argante, vivement.

Eh bien ! il vous déplaira ; je ne vous en dis pas davantage, en attendant de plus fortes preuves.