Page:Marivaux - Théâtre, vol. II.djvu/154

Cette page a été validée par deux contributeurs.

famille ; mais il n’est pas riche ; et vous saurez qu’il n’a tenu qu’à lui d’épouser des femmes qui l’étaient, et de fort aimables, ma foi, qui offraient de lui faire sa fortune, et qui auraient mérité qu’on la leur fît à elles-mêmes. Il y en a une qui n’en saurait revenir, et qui le poursuit encore tous les jours. Je le sais, car je l’ai rencontrée.

Araminte, avec négligence.

Actuellement ?

Dubois.

Oui, madame, actuellement ; une grande brune très piquante, et qu’il fuit. Il n’y a pas moyen ; monsieur refuse tout. « Je les tromperais, me disait-il ; je ne puis les aimer, mon cœur est parti. » Ce qu’il disait quelquefois la larme à l’œil ; car il sent bien son tort.

Araminte.

Cela est fâcheux ; mais où m’a-t-il vue avant de venir chez moi, Dubois ?

Dubois.

Hélas ! madame, ce fut un jour que vous sortîtes de l’Opéra, qu’il perdit la raison. C’était un vendredi, je m’en ressouviens ; oui, un vendredi ; il vous vit descendre l’escalier, à ce qu’il me raconta, et vous suivit jusqu’à votre carrosse. Il avait demandé votre nom, et je le trouvai qui était comme extasié ; il ne remuait plus.

Araminte.

Quelle aventure !

Dubois.

J’eus beau lui crier : « Monsieur ! » Point de nouvelles, il n’y avait personne au logis. À la fin,