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peut appuyer cette fausse confidence : vous êtes fille d’esprit, vous pénétrez les mouvements des autres ; vous lisez dans les cœurs ; l’art de les persuader ne vous manquera pas, et je vous prie de m’épargner une instruction plus ample. Il y a certaine tournure, certaine industrie que vous pouvez employer : vous aurez remarqué mes discours, vous m’aurez vue inquiète, j’aurai soupiré si vous voulez ; je ne vous prescris rien ; le peu que je vous en dis me révolte, et je gâterais tout si je m’en mêlais. Ménagez-moi le plus qu’il sera possible ; cependant persuadez Damis : dites-lui qu’il vienne, qu’il avoue hardiment qu’il m’aime ; que vous sentez que je le souhaite ; que les paroles qu’il m’a données ne sont rien, comme en effet ce ne sont que des bagatelles ; que je les traiterai de même, et le reste. Allez, hâtez-vous ; il n’y a point de temps à perdre. Mais que vois-je ? le voici qui vient. Oubliez tout ce que je vous ai dit.



Scène X

DAMIS, LUCILE, LISETTE.
Damis, à part.

Puisse le ciel favoriser ma feinte ! Éprouvons encore si son cœur ne me regretterait pas. (Haut.) Enfin, madame, il n’est plus question de notre mariage ; vous voilà libre, et, puisqu’il le faut, j’épouserai Phénice.

Lisette, à part.

Que nous vient-il dire ?

Damis.

Quoique le bonheur de vous plaire ne m’ait pas