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l’on sent bien qu’elle part d’un homme qui sait sa rhétorique.

Hortensius.

La rhétorique que je sais là-dessus, mademoiselle, ce sont vos beaux yeux qui me l’ont apprise.

Lisette.

Mais ce que vous me dites là est merveilleux ; je ne savais pas que mes beaux yeux enseignassent la rhétorique.

Hortensius.

Ils ont mis mon cœur en état de soutenir thèse, mademoiselle ; et pour essai de ma science, je vais, si vous l’avez pour agréable, vous donner un petit argument en forme.

Lisette.

Un argument à moi ! Je ne sais ce que c’est ; je ne veux point tâter de cela. Adieu.

Hortensius.

Arrêtez, voyez mon petit syllogisme, je vous assure qu’il est concluant.

Lisette.

Un syllogisme ! Eh ! que voulez-vous que je fasse de cela ?

Hortensius.

Écoutez. On doit son cœur à ceux qui vous donnent le leur ; je vous donne le mien : ergo, vous me devez le vôtre.

Lisette.

Est-ce là tout ? Oh ! je sais la rhétorique aussi, moi. Tenez : on ne doit son cœur qu’à ceux qui le prennent ; assurément vous ne prenez pas le mien : ergo, vous ne l’aurez pas. Bonjour.