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Lisette.

Comment donc par un effort de raison ? Voilà une pensée qui n’est pas de ce monde ; mais vous êtes bien fraîche pour une personne qui se fatigue tant.

La Marquise.

Je vous prie, Lisette, point de plaisanterie ; vous me divertissez quelquefois, mais je ne suis pas à présent en situation de vous écouter.

Lisette.

Ah çà, madame, sérieusement, je vous trouve le meilleur visage du monde ; voyez ce que c’est : quand vous aimiez la vie, peut-être que vous n’étiez pas si belle ; la peine de vivre vous donne un air plus vif et plus mutin dans les yeux, et je vous conseille de batailler toujours contre la vie ; cela vous réussit on ne peut pas mieux.

La Marquise.

Que vous êtes folle ! je n’ai pas fermé l’œil de la nuit.

Lisette.

N’auriez-vous pas dormi en rêvant que vous ne dormiez point ? car vous avez le teint bien reposé ; mais vous êtes un peu trop négligée, et je suis d’avis de vous arranger un peu la tête. La Brie, qu’on apporte ici la toilette de madame.

La Marquise.

Qu’est-ce que tu vas faire ? Je n’en veux point.

Lisette.

Vous n’en voulez point ! vous refusez le miroir, un miroir, madame ! Savez-vous bien que vous me faites peur ? Cela serait sérieux, pour le coup, et nous allons voir cela : il ne sera pas dit que