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Scène première

LA FÉE, TRIVELIN.
Trivelin, à la Fée, qui soupire.

Vous soupirez, madame ; et, malheureusement pour vous, vous risquez de soupirer longtemps, si votre raison n’y met ordre. Me permettrez-vous de vous dire ici mon sentiment ?

La Fée.

Parle.

Trivelin.

Le jeune homme que vous avez enlevé à ses parents est un beau brun, bien fait ; c’est la figure la plus charmante du monde. Il dormait dans un bois quand vous le vîtes, et c’était assurément voir l’Amour endormi. Je ne suis donc point surpris du penchant subit qui vous a pris pour lui.

La Fée.

Est-il rien de plus naturel que d’aimer ce qui est aimable ?

Trivelin.

Oh ! sans doute ; cependant, avant cette aventure, vous aimiez assez le grand enchanteur Merlin.

La Fée.

Eh bien ! l’un me fait oublier l’autre ; cela est encore fort naturel.

Trivelin.

C’est la pure nature ; mais il reste une petite