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dans l’admiration de sa modestie. Les premiers jours il fallait voir comme elle se reculait d’auprès de moi ; et puis elle reculait plus doucement ; puis, petit à petit, elle ne reculait plus ; ensuite elle me regardait en cachette ; et puis elle avait honte quand je l’avais vue faire, et puis moi j’avais un plaisir de roi à voir sa honte ; ensuite j’attrapais sa main, qu’elle me laissait prendre ; et puis elle était encore toute confuse ; et puis je lui parlais ; ensuite elle ne me répondait rien, mais n’en pensait pas moins ; ensuite elle me donnait des regards pour des paroles, et puis des paroles qu’elle laissait aller sans y songer, parce que son cœur allait plus vite qu’elle ; enfin, c’était un charme ; aussi j’étais comme fou. Et voilà ce qui s’appelle une fille ; mais vous ne ressemblez point à Silvia.

Lisette.

En vérité, vous me divertissez, vous me faites rire.

Arlequin.

Oh ! pour moi, je m’ennuie de vous faire rire à vos dépens. Adieu ; si tout le monde était comme moi, vous trouveriez plus tôt un merle blanc qu’un amoureux.



Scène VII

ARLEQUIN, LISETTE, TRIVELIN.
Trivelin, à Arlequin.

Vous sortez ?

Arlequin.

Oui ; cette demoiselle veut que je l’aime, mais il n’y a pas moyen.

Trivelin.

Allons, allons faire un tour, en attendant le dîner ; cela vous désennuiera.