Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/169

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cependant tout le monde est charmé d’avoir de grands appartements, nombre de domestiques…

Arlequin.

Il ne me faut qu’une chambre, je n’aime point à nourrir des fainéants, et je ne trouverai point de valet plus fidèle, plus affectionné à mon service que moi.

Trivelin.

Je conviens que vous ne serez point en danger de mettre ce domestique-là dehors ; mais ne seriez-vous pas sensible au plaisir d’avoir un bon équipage, un bon carrosse, sans parler de l’agrément d’être meublé superbement ?

Arlequin.

Vous êtes un grand nigaud, mon ami, de faire entrer Silvia en comparaison avec des meubles, un carrosse et des chevaux qui le traînent ! Dites-moi, fait-on autre chose dans sa maison que s’asseoir, prendre ses repas et se coucher ? Eh bien ! avec un bon lit, une bonne table, une douzaine de chaises de paille, ne suis-je pas bien meublé ? N’ai-je pas toutes mes commodités ? Oh ! mais je n’ai point de carrosse ! Eh bien, je ne verserai point. (En montrant ses jambes.) Ne voilà-t-il pas un équipage que ma mère m’a donné ? Ne sont-ce pas de bonnes jambes ? Eh ! morbleu, il n’y a pas de raison à vous d’avoir une autre voiture que la mienne. Alerte, alerte, paresseux ; laissez vos chevaux à tant d’honnêtes laboureurs qui n’en ont point ; cela nous fera du pain ; vous marcherez, et vous n’aurez pas les gouttes.

Trivelin.

Têtubleu, vous êtes vif ! Si l’on vous en croyait, on ne pourrait fournir les hommes de souliers.