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Scène II

LE PRINCE, FLAMINIA, TRIVELIN.
Le Prince, à Trivelin.

Eh bien ! as-tu quelque espérance à me donner ? Que dit-elle ?

Trivelin.

Ce qu’elle dit, seigneur ? Ma foi, ce n’est pas la peine de le répéter ; il n’y a rien encore qui mérite votre curiosité.

Le Prince.

N’importe ; dis toujours.

Trivelin.

Eh ! non, Seigneur ; ce sont de petites bagatelles dont le récit vous ennuierait ; tendresse pour Arlequin, impatience de le rejoindre, nulle envie de vous connaître, désir violent de ne vous point voir, et force haine pour nous : voilà l’abrégé de ses dispositions. Vous voyez bien que cela n’est point réjouissant ; et franchement, si j’osais dire ma pensée, le meilleur serait de la remettre où on l’a prise.

Flaminia.

J’ai déjà dit, la même chose au Prince ; mais cela est inutile. Aussi continuons, et ne songeons qu’à détruire l’amour de Silvia pour Arlequin.

Trivelin.

Mon sentiment à moi est qu’il y a quelque chose d’extraordinaire dans cette fille-là. Refuser ce qu’elle refuse, cela n’est point naturel ; ce n’est point là une femme, voyez-vous ; c’est quelque créature d’une espèce à nous inconnue. Avec une femme nous irions notre train ; celle-ci nous arrête ;