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aura point de mariage cette nuit non plus, et s’il n’y en a point du tout, ce sera encore mieux. Soupons, puisque nous y voilà. C’est un bon cœur que ce M. Doucin, et vous lui avez bien obligation, mademoiselle, dit-elle à ma future, on ne saurait croire combien il vous aime toutes deux, votre bonne sœur et vous ; le pauvre homme ! il s’en va presque la larme à l’œil, et j’ai pleuré moi-même en le quittant ; je ne fais que d’essuyer mes yeux. Quelle nouvelle pour cette sœur, mon Dieu ! qu’est-ce que c’est que nous ?

À qui en avez-vous donc, madame, avec vos exclamations ? lui dit Mlle Habert. Oh ! rien, reprit-elle ; mais me voilà bien ébaubie. Passe pour se quitter toutes deux, on n’est pas obligé de vivre ensemble, et vous serez aussi bien ici : mais se marier en cachette ; et puis ce Pont-Neuf où l’on se rencontre ; un mari sur le Pont-Neuf ! Vous qui êtes si pieuse, si raisonnable, qui êtes de famille, qui êtes riche : oh ! pour cela, vous n’y songez pas ; je n’en veux pas dire davantage ; car on m’a recommandé de ne vous parler qu’en secret ; c’est une affaire qu’il ne faut pas que tout le monde sache. Et que vous apprenez pourtant à tout le monde, lui répondit Mlle Habert d’un ton de dépit.

Non, non, reprit la discrète d’Alain, je ne parle que