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maison ; je ne voulais que m’assurer la douceur d’être toujours chérie de ces bonnes filles, et de les chérir moi-même ; c’était là le puéril attrait qui me menait, je n’avais point d’autre vocation. Personne n’eut la charité de m’avertir de la méprise que je pouvais faire, et il n’était plus temps de me dédire quand je connus toute la mienne. J’eus cependant des ennuis et des dégoûts sur la fin de mon noviciat ; mais c’étaient des tentations, venait-on me dire affectueusement, et en me caressant encore. À l’âge où j’étais, on n’a pas le courage de résister à tout le monde ; je crus ce qu’on me disait, tant par docilité que par persuasion ; le jour de la cérémonie de mes vœux arriva, je me laissai entraîner, je fis ce qu’on me disait : j’étais dans une émotion qui avait arrêté toutes mes pensées ; les autres décidèrent de mon sort, et je ne fus moi-même qu’une spectatrice stupide de l’engagement éternel que je pris.

Ses pleurs recommencèrent ici, et elle n’acheva les derniers mots qu’avec une voix étouffée par ses soupirs.

Vous avez vu que sa douleur n’avait fait d’abord que m’attendrir ; elle m’effraya dans ce moment-ci. Tout ce qui l’avait conduit à ce couvent ressemblait si fort à ce qui me donnait envie d’y être, mes motifs venaient si exactement des mêmes causes, et je voyais si bien mon histoire dans la sienne, que je tremblais du péril où j’étais, où plutôt de celui où j’avais été. Car je crois que dans cet instant je ne me souciai plus de cette maison, non plus que de celles qui y demeuraient,