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Scène X.

CARISE, ADINE, ÉGLÉ.
CARISE.

Que faites-vous donc là toutes deux éloignées l’une de l’autre, et sans vous parler ?

ADINE, riant.

C’est une nouvelle figure que j’ai rencontrée et que ma beauté désespère.

ÉGLÉ.

Que diriez-vous de ce fade objet, de cette ridicule espèce de personne qui aspire à m’étonner, qui me demande ce que je sens en la voyant, qui veut que j’aie du plaisir à la voir, qui me dit : Eh ! contemplez-moi donc ! eh ! comment me trouvez-vous ? et qui prétend être aussi belle que moi !

ADINE.

Je ne dis pas cela, je dis plus belle, comme cela se voit dans le miroir.

ÉGLÉ, montrant le sien.

Mais qu’elle se voie donc dans celui-ci, si elle ose ! Je ne lui demande qu’un coup d’œil dans le mien, qui est le véritable.

CARISE.

Doucement, ne vous emportez point ; profitez plutôt du hasard qui vous a fait faire connaissance ensemble ; unissons-nous tous ; devenez compagnes, et joignez l’agrément de vous voir à la douceur d’être toutes les deux adorées, Églé par l’aimable Azor qu’elle