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nécessaires : leur gloire a trop d’attirail. Si l’on rabattait tous les frais qu’il en coûte pour les avoir, on verrait qu’on les achète plus qu’ils ne valent. On est bien dupe de les admirer, puisqu’on en paie la façon. Il faut que les hommes vivent un peu plus bourgeoisement les uns avec les autres, pour être en repos. Vos héros sortent du niveau et ne font que du tintamarre. Poursuivez.

MINERVE

Laissons là les héros. Il est beau de l’être ; mais la raison n’admire que les sages.

CUPIDON

Oh ! de ceux-là, il n’en a jamais fait, ni moi non plus.

L’AMOUR

De grâce, écoutez-moi, Déesse. Qu’est-ce que c’était autrefois que l’envie de plaire ? Je vous en atteste vous-même. Qu’est-ce que c’était que l’amour ? je l’appelais tout à l’heure une passion. C’était une vertu, Déesse ; c’était du moins l’origine de toutes les vertus ensemble. La nature me présentait des hommes grossiers, je les polissais ; des féroces, je les humanisais ; des fainéants, dont je ressuscitais les talents enfouis dans l’oisiveté et dans la paresse. Avec moi, le méchant rougissait de l’être. L’espoir de plaire, l’impossibilité d’y arriver autrement que par la vertu, forçaient son âme à devenir estimable. De