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Marivaux ne pouvait guère être âgé de moins de vingt ans quand, à la suite d’une espèce de défi , il tenta son premier essai de comédie ; or, le Légataire est de 1708 ; Marivaux atteignait alors sa vingtième année, et l’on retrouvera dans l’enthousiasme factice de Crispin au moment où il va enfanter ses grands projets , dans la scène où il affecte en les chargeant les manières du gentilhomme campagnard , les traces d’une imitation si servile , qu’elle révèle toute l’impuissance d’un jeune homme qui , pour ne pas perdre un pari , s’empresse de reproduire dans une pâle copie l’impression récente qu’un ouvrage en plein succès a laissée dans son esprit ou dans sa mémoire.

D’un autre côté, la scène VI du Père prudent, dans laquelle Toinette, se donnant pour la fille de Démocrite, vient provoquer avec des façons si vives et si égrillardes l’amour du bonhomme Ariste, est calquée tout entière sur la scène VI du deuxième acte de Pourceaugnac , où Julie se conduit avec le gentilhomme de Limoges comme ici Philine avec son campagnard. Mais autant la prose de Molière est plaisante, naturelle, originale, autant les vers de son faible imitateur sont lâches , traînans , incorrects , et malheureusement toute la pièce est écrite comme cette scène.

Telle était l’inexpérience de Marivaux , qu’il ignorait même alors les règles les plus élémentaires de la versification. Il se permet, sans scrupule, des fautes contre la prosodie , des hiatus , des accolemens de quatre rimes féminines ; je ne parle pas des incorrections de style , des barbarismes de construction ; j’en noterai quelques-unes au bas des pages.

Si les éditeurs ne s’étaient pas fait une loi de ne rien omettre de ce qui a été imprimé dans l’édition de 1781 , j’aurais été d’avis de laisser de côté un ouvrage indigne de