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trouver et nous avons là-dessus une conversation ensemble assez curieuse. La voici. Je vous dis : ma fille ? Que vous plaît-il, mon père ? me répondez-vous (car vous êtes civile et bien élevée). Je vous marie, ma fille. À qui donc, mon père ? À un honnête magot, un habitant des forêts. Un magot, mon père ! Je n’en veux point. Me prenez-vous pour une guenuche ? Je chante, j’ai des appas, et je n’aurais qu’un magot, qu’un sauvage ! Eh ! fi donc ! Mais il est gentilhomme. Eh bien ! qu’on lui coupe le cou. Ma fille, je veux que vous le preniez. Mon père, je ne suis point de cet avis-là. Oh ! oh ! friponne ! ne suis-je pas le maître ?… À cette épithète de friponne, vous prenez votre sérieux ; vous vous armez de fermeté, et vous me dites : vous êtes le maître, distinguo : pour les choses raisonnables, oui ; pour celles qui ne le sont pas, non. On ne force point les cœurs. Loi établie. Vous voulez forcer le mien ; vous transgressez la loi. J’ai de la vertu, je la veux garder. Si j’épousais votre magot, que deviendrait-elle ? Je n’en sais rien.

MONSIEUR ARGANTE

Vous mériteriez que je vous misse dans un couvent. Je pénètre vos desseins à présent, fille ingrate ; et vous vous imaginez que je serai la dupe de vos artifices ?