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Qu’aux désirs du Sénat son effroi peut souscrire,
Et je vais le presser d’éclaircir un soupçon
Que mon âme inquiète a pris avec raison.
Peut-être cependant ma crainte est-elle vaine ;
Peut-être notre hymen est tout ce qui le gêne :
Quoi qu’il en soit enfin, je remets en vos mains
Un sort livré peut-être aux fureurs des Romains.
Quand même je fuirais, la retraite est peu sûre.
Fuir, c’est en pareil cas donner jour à l’injure ;
C’est enhardir le crime ; et pour l’épouvanter,
Le parti le plus sûr c’est de m’y présenter.
Il ne m’importe plus d’être informé, Madame,
Du reste des secrets que j’ai lus dans votre âme ;
Et ce serait ici fatiguer votre cœur
Que de lui demander le nom de son vainqueur.
Non, vous m’avez tout dit en gardant le silence,
Et je n’ai pas besoin de cette confidence.
Je sors : si dans ces lieux on n’en veut qu’à mes jours,
Laissez mes ennemis en terminer le cours.
Ce malheur ne vaut pas que vous veniez me faire
Un trop pénible aveu des faiblesses d’un père.
S’il ne faut que mourir, il vaut mieux que mon bras
Cède à mes ennemis le soin de mon trépas,
Et que, de leur effroi victime glorieuse,
J’en assure, en mourant, la mémoire honteuse,
Et qu’on sache à jamais que Rome et son Sénat
Ont porté cet effroi jusqu’à l’assassinat.
Mais je vous quitte, on vient.

LAODICE

Seigneur, le temps me presse.