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Scène V

FLAMINIUS, PRUSIAS


FLAMINIUS

Gardez-vous d’écouter une audace frivole,
Par qui son désespoir follement se console.
Ne vous y trompez pas, Seigneur ; Rome aujourd’hui
Vous demande Annibal, sans en vouloir à lui.
Elle avait défendu qu’on lui donnât retraite ;
Non qu’elle eût, comme il dit, une frayeur secrète :
Mais il ne convient pas qu’aucun roi parmi vous
Fasse grâce aux vaincus que proscrit son courroux.
Apaisez-la, Seigneur : une nombreuse armée
Pour venir vous surprendre a dû s’être formée ;
Elle attend vos refus pour fondre en vos États ;
L’orgueilleux Annibal ne les sauvera pas.
Vous, de son désespoir instrument et ministre,
Qui n’en pénétrez pas le mystère sinistre,
Vous, qu’il abuse enfin, vous par qui son orgueil
Se cherche, en vous perdant, un éclatant écueil,
Vous périrez, Seigneur ; et bientôt Artamène,
Aidé de son côté des troupes qu’on lui mène,
Dépouillera ce front de ce bandeau royal,
Confié sans prudence aux fureurs d’Annibal.
Annonçant du Sénat la volonté suprême,
J’ai parlé jusqu’ici comme il parle lui-même ;
J’ai dû de son langage observer la rigueur :
Je l’ai fait ; mais jugez s’il en coûte à mon cœur.
Connaissez-le, Seigneur : Laodice m’est chère ;