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Jusques au fond du cœur je me sentis émue ;
Je ne pouvais ni fuir, ni soutenir sa vue.
Je perdis sans regret un impuissant courroux ;
Mon propre abaissement, Égine, me fut doux.
J’oubliai ces respects qui m’avaient offensée ;
Mon père même alors sortit de ma pensée :
Je m’oubliai moi-même, et ne m’occupai plus
Qu’à voir et n’oser voir le seul Flaminius.
Égine, ce récit, que j’ai honte de faire,
De tous mes mouvements t’explique le mystère.

ÉGINE

De ce Romain si fier, qui fut votre vainqueur.
Sans doute, à votre tour, vous surprîtes le cœur.

LAODICE

J’ignore jusqu’ici si je touchai son âme :
J’examinai pourtant s’il partageait ma flamme ;
J’observai si ses yeux ne m’en apprendraient rien :
Mais je le voulais trop pour m’en instruire bien.
Je le crus cependant, et si sur l’apparence
Il est permis de prendre un peu de confiance,
Égine, il me sembla que, pendant son séjour,
Dans son silence même éclatait son amour.
Mille indices pressants me le faisaient comprendre :
Quand je te les dirais, tu ne pourrais m’entendre ;
Moi-même, que l’amour sut peut-être tromper,
Je les sens, et ne puis te les développer.
Flaminius partit, Égine, et je veux croire
Qu’il ignora toujours ma honte et sa victoire.
Hélas ! pour revenir à ma tranquillité,
Que de maux à mon cœur n’en a-t-il pas coûté !