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LAI D’ELIDUC.

Il dépêche un de ses écuyers vers sa femme pour la prévenir qu’il revenoit malade et très-fatigué de son voyage. La bonne dame contente du retour de son mari, s’apprête pour le bien recevoir ; au lieu des caresses qu’elle attendoit, elle est toute surprise de le voir si triste, si sombre, et ne disant pas une parole. Pendant deux jours elle ne sut quel moyen employer pour le faire parler. Le chevalier se levoit de grand matin, entendoit la messe, puis se mettoit en route pour se rendre à la chapelle où étoit déposée sa mie Guillardon. Cette belle étoit toujours dans le même état ; toujours privée de connoissance, elle ne donnoit aucun signe de vie. Une chose surprenoit beaucoup Eliduc, c’étoit de voir que le visage de son amie n’avoit éprouvé d’autre changement que d’avoir un peu pâli. Il pleuroit amèrement, prioit avec ferveur pour son amie, puis il retournoit chez lui. La femme d’Eliduc curieuse de savoir où se rendoit son époux, le fit un jour guetter par un écuyer auquel elle promit une armure complette et un cheval. Le varlet remplit parfaite-