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LAI D’ELIDUC.

avouer. Leur seul plaisir consistoit à s’entretenir de leur passion et à se faire mutuellement des cadeaux. La pauvre demoiselle se flattoit de retenir le chevalier et de l’épouser, elle étoit loin de soupçonner qu’il fût marié. Hélas ! dit Eliduc, j’ai commis une grande faute en me fixant dans ce pays où je ne suis venu que pour mon malheur. J’ai aimé la belle Guillardon, la fille du roi, qui partage mon amour. Pour nous séparer il faut que l’un de nous meure ou même tous les deux ; et cependant il me faut la quitter. Mon seigneur naturel réclame mes services, au nom du serment que je lui ai prêté. D’un autre côté, ma femme me conjure de retourner près d’elle. Je ne puis rester, et il est nécessaire que j’abandonne ces lieux. Je ne puis épouser ma maîtresse, la religion et les lois me le défendent. Je ne vois aucun moyen pour sortir de ma peine. Dieu que mon départ va nous coûter de larmes ! Quelque soit le sort qui m’attend, je me soumettrai aux ordres de mon amie et je prendrai ses conseils. D’abord le roi son père, tranquille dans ses états, n’a