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LAI D’ELIDUC.

croit pas aux sentiments que j’ai pour lui. Cependant je ne lui ai fait d’autre mal que de l’aimer tendrement. S’il venoit à me haïr, j’en mourrois de douleur. Jusqu’à ce qu’il vienne, je ne veux rien lui mander soit par toi, soit par d’autres. Je lui montrerai la force de mon amour ; malheureusement j’ignore s’il restera long-temps encore parmi nous. Madame, je sais que le roi l’a retenu par serment pour une année[1]. Vous avez alors toute la latitude de vous voir et de

  1. Lorsqu’un chevalier se mettoit au service, ou devenoit soudoyer d’un prince étranger, les engagements entre les parties contractantes se faisoient mutuellement sous la religion du serment. Le code de probité et de religion se réduisoit à quatre préceptes qui nous donnent une idée bien peu avantageuse de la perfection chrétienne et de la morale du siècle. 1o Ne point mentir. 2o Secourir les dames. 3o Aller à la messe. 4o Jeûner. Quelquefois, mais rarement, on y ajoutoit les punitions corporelles et l’aumône. Ce dernier article ne pouvoit guère être mis en pratique par la raison que les chevaliers recevoient l’hospitalité dans tous les châteaux et qu’ils ne portoient point d’argent avec eux lorsqu’ils faisoient leurs expéditions.