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LAI DU CHAITIVEL.

rejetant leurs vœux, elle mettoit tant de grace dans ses refus qu’on ne pouvoit s’empêcher de l’aimer davantage et de chercher à lui plaire. La dame dont je vous parle, par sa beauté et par ses différentes qualités, étoit requise d’amour par un grand nombre de soupirants.

Il y avoit en Bretagne quatre chevaliers dont j’ignore les noms. Il suffira de savoir qu’ils étoient jeunes, riches, vaillants et pourvus d’une grande libéralité. Tous quatre tenoient aux premières familles du pays, tous quatre également aimables, ils adressoient leurs vœux à la belle dame, et faisoient consister leur gloire à se distinguer par leurs prouesses, afin d’obtenir un regard de leur belle maîtresse. Chacun ambitionnoit le bonheur d’être aimé, et requéroit d’amour la cruelle ; ils cherchoient à se surpasser mutuellement, et il n’étoit aucun d’eux qui ne fût persuadé de mieux faire que son compagnon. De son côté, la dame qui voyoit dans ses soupirants tant de zèle et de courage, eut bien desiré faire un choix, mais elle n’osoit. Souvent même elle réflé-