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LAI DE MILON.

mêlée, il vit son fils si bien se servir de ses armes, qu’il fut enchanté de son courage et de sa bonne contenance. Il se met vis-à-vis de lui pour jouter ; à la première course la lance de Milon se brise en éclats, mais sans être seulement ébranlé, son fils lui fait vider les étriers. Dans sa chûte la visière du casque de Milon vint à s’ouvrir, et le jeune homme aperçoit que son adversaire avoit la barbe et les cheveux blanchis par les années ; attristé de ce qui venoit d’arriver, il saisit le coursier du guerrier abattu par les rênes, et dit à ce dernier : Seigneur, remontez à cheval, je ne saurais vous exprimer le chagrin que je ressens d’avoir jouté contre un chevalier de votre âge, veuillez être persuadé que mon dessein n’étoit pas de vous outrager. En reprenant son cheval, Milon flatté de la courtoisie de son adversaire, avoit reconnu l’anneau que portoit le jeune homme, et sitôt qu’il fut remonté, il lui parla en ces termes : Mon ami, pour l’amour de Dieu, fais-moi le plaisir de m’écouter, dis-moi le nom de tes parents, j’ai le plus grand intérêt à le savoir. Je t’a-