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LAI DU LAUSTIC.

ville où ils demeuroient étoit devenu célèbre. L’un d’eux avoit épousé une jeune femme sage, aimable et spirituelle. Elle aimoit seulement la parure ; et par le goût qu’elle apportoit dans ses ajustements, elle donnoit le ton à toutes les dames de son rang. L’autre étoit un bachelier[1] fort estimé de ses confrères ; il se distinguoit particulièrement par sa prouesse, sa courtoisie et sa grande valeur ; il vivoit très-honorablement, recevoit bien et faisoit beaucoup de cadeaux. Le bachelier devint éperduement amoureux de la femme du chevalier ; à force de prières et de supplications et sur-tout à cause des louanges qu’elle en entendoit faire, peut-

  1. Le mot Bachelier avoit plusieurs acceptions ; il signifioit jeune homme, adolescent, aspirant, étudiant, apprenti. On donnoit le titre de Bachelier au propriétaire d’une terre qui comprenoit autant d’étendue que vingt bœufs pouvoient en labourer dans un jour. La terre bacele ou bachele étoit composée de dix mas et il falloit quatre terres en bacele pour former une terre bannière. Le roi pouvoit conférer au possesseur d’une terre de quatre baceles, savoir : à la première bataille, la bannière ; à la seconde, le nommer banneret ; et à la troisième, lui accorder le titre de baron, (Voy. Glossaire de la langue Romane au mot bacele, tom. I, p. 120). C’est d’un homme de cette espèce dont il est question dans le Lai de Laustic.

    On donnoit encore le nom de Bachelier à des chevaliers pauvres qui fréquentoient les tournois, afin de faire des prisonniers et d’en retirer de fortes rançons ; ils étoient connus sous la dénomination de bas chevaliers.