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LAI D’YWENEC.

habitoit et qui, naguère lui déplaisoit tant, devient pour elle un séjour agréable ; elle le préfère à tout autre, puisqu’elle peut voir son amant aussi souvent qu’elle le desire. Sitôt que son mari est absent, le jour, la nuit elle peut converser avec le chevalier aussi long-temps qu’elle le desire. Que Dieu prolonge le temps heureux où elle peut jouir du bonheur d’être aimée !

Le vieux mari remarqua, non sans surprise, le grand changement qui s’étoit opéré dans le caractère et dans la conduite de sa femme. Il soupçonna que ses ordres étoient mal exécutés par sa sœur, c’est pourquoi la prenant un jour à part, il lui demanda la raison pourquoi sa moitié qui naguère étoit si triste, apportoit maintenant le plus grand soin à se bien vêtir. La vieille lui répondit qu’elle l’ignoroit absolument. Il est impossible de pouvoir parler à votre femme, elle ne peut avoir ni amant, ni ami ; j’ai cependant observé comme vous qu’elle aime mieux sa solitude que par le passé. Je vous crois parfaitement, ma sœur, mais