Page:Marie de France - Poésies, éd. Roquefort, I, 1820.djvu/283

Cette page a été validée par deux contributeurs.
267
LAI DES DEUX AMANTS.

amis et ses hommes à venir en voir l’issue. La curiosité en avoit amené de tous les côtés. La jeune personne s’étoit soumise à un jeûne sévère, pour alléger son amant. Enfin, au jour convenu, le comte arrive le premier au rendez-vous, et ne manqua pas d’apporter avec lui la précieuse liqueur. La foule étoit rassemblée dans la prairie devant la Seine. Le roi vient suivi de sa fille, qui n’avoit qu’une seule chemise pour vêtement. Le comte la prend aussitôt entre ses bras, et lui remet le vase qui contenoit la liqueur dont il croit pouvoir se passer. Il avoit d’autant plus de tort qu’il monta avec rapidité la moitié de la montagne. La joie qu’il ressentoit lui avoit fait oublier le remède dont il devoit faire usage. La demoiselle observant que son amant foiblissoit et ralentissoit le pas, lui dit : Mon ami, vous êtes las, buvez, je vous prie, le breuvage vous rendra tout votre courage. Non, ma belle, je me sens encore plein de vigueur, et pour toute chose au monde, je ne m’arrêterois pas. En buvant je serois forcé de ralentir