Page:Marie de France - Poésies, éd. Roquefort, I, 1820.djvu/209

Cette page a été validée par deux contributeurs.
193
LAI DU BISCLAVARET.

chevaliers, et passoit les nuits dans la chambre du roi. Tout le monde l’aimoit parce qu’il ne faisoit de mal à personne, et que par-tout où il suivoit le roi, jamais on n’avoit eu à s’en plaindre, mais au contraire à s’en louer.

Or écoutez ce qui arriva plus tard à une cour plénière tenue par le roi, et à laquelle pour la rendre plus belle, il avoit invité tous ses barons et ses vassaux. Le chevalier époux de la femme du Bisclavaret s’y rendit avec sa dame, qui ne savoit pas se rencontrer avec son premier mari. Dès que le Bisclavaret aperçoit le chevalier qui entroit au palais, il court à sa rencontre, s’élance, le saisit, le mord et lui fait une large blessure. Le traître eût sans doute perdu la vie si le roi n’eût rappellé le Bisclavaret, et ne l’eût menacé d’une baguette. Deux autres fois il voulut encore se jeter sur son ennemi ; chacun fut étonné de la colère de cet animal qui, jusques-là, avoit été d’une douceur extrême. Dans tout le palais, il n’étoit d’autre bruit que le Bisclavaret ne l’avoit sans doute pas fait sans raison et sans doute aussi