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LAI DU BISCLAVARET.

je ne redoute rien plus au monde que votre courroux. Le mari presse sa femme entre ses bras et l’embrasse. Chère dame, demandez-moi tout ce que vous voudrez, je n’ai point de secrets pour ma femme, et si je sais la chose dont vous desirez être instruite, je me ferai un plaisir de vous l’apprendre. Eh bien, sire, me voilà rassurée, mais vous ne pouvez vous faire une idée de l’inquiétude que j’éprouve les jours que vous vous éloignez de moi. Le matin je me lève, le soir je me couche avec la crainte de vous perdre, et si vous ne calmez mes justes alarmes, il ne me reste qu’à mourir.


De grace, veuillez m’instruire du lieu où vous vous rendez, de ce que vous faites et de ce que vous devenez. Chère amie, par la miséricorde de Dieu, je crains qu’il ne m’arrive malheur si je vous apprends mon secret ; peut-être cela m’empêcheroit-il de vous aimer, et m’exposeroit peut-être encore à vous perdre. La dame fut bien étonnée de ce discours, qui n’étoit rien moins que plai-