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LAI DU FRÊNE.

qu’elles ne souffriroient pas l’exécution d’un crime semblable. La dame avoit auprès d’elle une jeune personne de condition libre qu’elle avoit élevée et qu’elle chérissoit. Voyant sa protectrice pleurer et se plaindre, la jeune fille affligée cherchoit tous les moyens de la consoler. Dame, lui dit-elle, cette douleur ne convient nullement à votre état ; veuillez-vous appaiser et entendre mon avis. Vous me donnerez l’un des enfants, je vous en délivrerai secrètement, de manière à ce que jamais vous ne le reverrez. Personne ne pourra désormais vous blâmer. Je porterai votre fille près la porte d’un couvent ; j’en prendrai le plus grand soin dans la route, et j’ose présumer, avec la grace de Dieu, qu’elle sera trouvée par quelque prud’homme qui se chargera de l’élever. La dame éprouva un grand plaisir à cette proposition ; elle promit à la pucelle que pour le grand service qu’elle vouloit lui rendre, elle s’engageoit de son côté à la récompenser convenablement. Le bel enfant fut enveloppé dans un linge très-fin, recouvert d’une étoffe de soie vermeille