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langue des jongleurs et des troubadours. Déjà, en effet, l’Angleterre et l’Allemagne admiraient les productions de notre génie national, et non-seulement on y traduisait les beaux poèmes du douzième et du treizième siècle, mais encore on en écrivait en langue d’oïl ou en langue d’oc. En Angleterre, surtout, on voyait de nombreux poètes s’exercer dans la langue des Français du Nord ; mais ils étaient le plus souvent vaincus dans cette lutte par les poètes français émigrés, qui avaient bien soin, comme il a été dit plus haut, de se prévaloir hautement de leur origine. Presque tous trouvaient moyen d’insérer dans leurs ouvrages, comme une signature authentique, leur nom et celui de leur ville natale. Marie, cependant, ne se donna jamais le nom de Marie de Compiègne, du moins dans ceux de ses écrits qu’on s’accorde à lui attribuer. Elle préféra prendre le nom même du royaume, et signer ses fables du nom de Marie de France ; ce qui prouve, à notre avis, qu’elle avait une haute idée de sa valeur, et que, sûre de sa supériorité sur ses rivaux, elle croyait représenter mieux que tout autre la poésie française en Angleterre. On pourrait peut-être en conclure aussi qu’elle était fort jeune lorsque sa famille l’emmena en Angleterre, et qu’elle n’avait emporté de son court séjour dans sa ville natale qu’un souvenir peu profond.

Tout cela n’a pas peu contribué à jeter de l’obscurité sur le lieu précis de sa naissance. M. l’abbé de La Rue, qui a publié en 1806, dans la Revue anglaise Archœologia, une notice pleine d’erreurs sur Marie de France, suppose sans preuve qu’elle est née en Normandie. Il se base sans doute, pour avancer cette opinion, sur le fait de son passage en Angleterre après la conquête de la Normandie par le roi de France.

M. de Roquefort, membre de l’Institut, qui en 1820 s’est fait l’éditeur de Marie de France, n’en sait pas plus long sur cette question que l’abbé de La Rue ; il ne fait, du reste,