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iii Onques nul bien n’ama qui les femes n’ot chier ;
Lor vertuz et lor graces font a esmerveillier :
Car on les puet aussi reprendre et castoier,
Com on porroit la mer d’un tamis espusier,


    B, et qui satisfait à la fois au sens et à la rime. Je m’en sers dans la traduction.

    ii d. – Jou. B -.je.

    ii. 1.– Lor consaus. Consaus sujet singulier et régime pluriel ; conseil, rég. sing. et suj. plur., du lat, consilium. La diphtongue au équivaut devant une consonne à la syllabe al. Al s’est transformé ici en au sous l’influence de l’s. De là l’irrégularité dans la formation du pluriel des noms en al et en ail : Cheval, chevaux, travail, travaux. Le vieux français disait : Suj. sing. : chevaus ou chevas puis chevaux ; rég. sing., cheval ; suj. plur., cheval ; rég. plur., chevaus (chevax, chevaux). Quand la déclinaison disparut, on adopta généralement le cas régime comme forme unique. On eut alors au sing., cheval, et au pluriel, chevaux. Ici conseil est la forme du cas régime mais il n’a pas conservé, comme cheval, au pluriel, la forme consaus. Lor, toujours invariable ; c’est le pronom au génitif illorum. La langue moderne en a fait un adjectif possessif s’accordant avec le substantif.

    Piex = pieux, de pius. La forme piex explique la forme irrégulière pieux, en français moderne ; il faut noter d’ailleurs un changement dans la prononciation, qui a fait plus tard ce mot de deux syllabes (Cf. Diex, suj., dieu, régime, monosyllabe, du latin Deus). Pius a donné en v. fr., pius ou piex, au suj., piu ou pif au rég., toujours monosyllabe.

    ii. 2. Miex = miel. L’x au xiiie siècle, remplace le z étymologique, ou même le z remplaçant ls. Miex est ici pour miez = miels, z ayant remplacé ls, comme on le voit dans les formes elz = illos, nulz = nullos ou nullus, de la Passion de Jésus-Christ (Cf. Periex, ms. B, ii. 3.), de periculum. On sait d’ailleurs que les noms neutres avaient été de bonne heure assimilés aux noms masculins, et suivaient comme eux la règle de l’s. Il n’y a dans les vieux textes qu’un très-petit nombre d’exemples de la persistance du neutre en français.

    iii. a. – Nul bien n’ama. B : cilz bien n’ama. C : cil bien n’ama.

    iii. b. – Font a esmerveillier. Cf., ms D, iv, le couplet correspondant à celui-ci, et qui porte expressément : Leur vertu et leur grâce si FONT mult a prisier. Il n’y a pas moyen d’hésiter à lire font, et non pas sont, pas plus dans D que dans A B. M. Littré reconnaît que à, devant les verbes à l’infinitif signifie de manière à (sens passif.) Il fait à louer ne signifie pas, d’après lui, il est loué, mais il est à louer, il agit de façon à mériter des éloges. Je trouve dans Beaumanoir, 58 : Et li escommuniement FONT a douter, comment qu’ils soient geté, soit à tort, soit à droit. Le sens est clair ; on doit traduire sont à redouter, sont redoutables. Et Chanson des Saxons, par Jean Bodel (xiie siècle) : Si l’offrande fu riche, ne fait a demander. Je ne puis que me ranger à l’avis de M. Littré, que confirment les deux leçons de notre fableau. Il est probable que faire assavoir, quoique on le trouve ainsi écrit au xiiie siècle, a dû s’écrire d’abord faire à savoir, et que même au xiiie siècle, les deux formes ont dû être usitées parallèlement.