Page:Marie Stuart - Vers authentiques de la reine Marie Stuart, 1884, éd. Malinowski.djvu/12

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 5 —


MÉDITATIONS


Sur l’inconstance et vanité du monde, composée par la feue Royne d’Escosse, et douairière de France, après avoir leu en sa prison les Consolations en Latin, à elle envoyées par le Sieur Evesque de Rosse[1].


Lorsqu’il convient à chacun reposer,
Et pour un temps tout soucy déposer,
Un souvenir de mon amère vie
Me vient oster de tout dormir l’envie,
Représentant à mes yeux vivement,
De bien en mal un soudain changement.
Qui distiller me fait lors sur la face
La triste humeur qui tout plaisir efface.
Dont tost après, cerchant de m’alléger,
I’entre en discours, non frivole ou légier,
Considérant du monde l’inconstance,
Et des mortels le trop peu d’assurance :
Iugeant par là rien n’estre permanent,
Ny bien, ny mal, dessous le firmament.
Ce que soudain me met en souvenance
Des sages dicts du Roy plein de prudence.
J’ai (ce dit-il) cerché tous les plaisirs,
Qui peuvent plus assouvir mes désirs :
Mais je n’ay veu en ceste masse ronde
Que vanité, dont fol est qui s’y fonde.
Dequoy mes yeux expérience ont eu
Durant nos jours : car j’ay souvent veu
Ceux qui touchoyent les hauts cieux de la teste.
Soudainement renversez par tempeste.
Les plus grands Roys, Monarques, Empereurs,
De leurs estats et vies ne sont seurs.
Bastir palais et amasser chevance,

  1. P. 12 des Poésies françaises de la reine Marie Stuart, d’après on livre récemment découvert par Gustave Pawlowski, Paris, 1883.