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Je montais avec la relève… Dans un boyau nous nous sommes rangés, on emportait une civière. Une main gantée dépassait, machinalement j’ai relevé la bâche (revoyant le spectacle, la voix plus rude.) Il n’avait pas encore les yeux fermés ; la face était intacte, bien que la tête… Les brancardiers ne me connaissaient pas… Ce n’est qu’une heure après, je crois, quand des rumeurs ont circulé… j’ai dit au capitaine : c’est lui que nous avons croisé… Mais cette heure-là, vois-tu, où j’ai laissé les autres emporter mon père, tandis que j’allais là d’où il revenait… cette heure-là, j’ai senti pourquoi nous nous succédons sur la terre, j’ai senti la poigne de la France.

Perrine, très émue.

Et Louis ?

Jean

Louis est mort en Allemagne relevé par leurs majors à Charleroi, très grièvement blessé. Il a été convenablement traité. Mais, tout de même, finir là-bas… Ma mère qui en a tant soigné, tant vu mourir dans son ambulance, n’a vu revenir aucun des siens.