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LETTRES INÉDITES

LETTRES INÉDITES LETTRE CXXXVIII.

AU ROI. (Du Béarn, février ou mars 1544.) Monseigneur, si j’avois un pied au sepulcre, et que

tous les médecins m’eussent jugée à mourir, je ressusciterois, ayant veu par la lettre qu’il vous a pleu m’escripre et entendu par la créance de ce porteur la memoire qu’il vous plest avoir de moy, avecques tant de bonnes paroles, que je ne les puis ramentevoir sans une joye acompaignée de lermes, ny satisfaire à très humblement vous en mercier. Car le bien, l’honneur et le contenteinent m’est si grant, que ma puissanc et ma vie défaillent à le soustenir et à vous en rendre ce je vous doy et à quoy je demeure la plus redevable créature envers vous qui onques fust, veu qu’il vous plest fere en mon endroit tant d’office de roy, de maistre, de père et de frère et de vray amy, que je ne vous puis regarder en mul de ces visaiges que je ne me treuve estonnée de l’amour qu’il vous plaist me nionstrer, si grande que, si Dieu tout puissant ne vous rend cete cherité, je me plaindrois de sa rigueur à sa bonté. Mais j’ay cete foy en luy que, puis qu’il a satisfait à Dieu son père pour moy, que aussy fera il envers en vous donnant aultant de bien que je vous en desire et que je l’en prie incessamment, et aussy qu’il me donne force de vous aller moy mesme rendre graces, qui est ce que je tiens en ce monde pour ma VOUS

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