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DE LA REINE DE NAVARRE.

2 : 17 vous incline, vous sactisfaisant vous mesmes en complaisant à vostre bonté qui ne peult estre prevenue de nul mérite. Ce que je connoys si bien en mon endroit, Monseigneur, que, de tant moins je me sens digne de tel bien, et plus je me resjouis de voir en vous ce qui desfault en moy, et mesmes que ma des faulte est le lustre de vostre grace et la desmonstracion de l’amour qui, non seulement me fait ignorer quelle je suis, mais me fait estimer estre ce que je desire. Car le millieur tesmoignaige que je puis avoir de la perfection que je souhaite, c’est de voir et sentir que vous m’amez ; car vostre amour peult plus en moy que tout le labeur que je saurois prendre à me rendre capable du bien que librement vous me donnez sans mulle deserte, sinon de la pareille affection de laquelle je le reçoy. Car amour ne peult estre receu que de son semblable, et de cettuy là je prendray la hardiesse de recevoir le bien où tout le demeurant des forces qui sont en moy sont inutiles à le recevoir, congnoistre et encores mains lever. Amour doncques le reçoit pour moy et le mettra en memoire perpétuelle, pour sans cesser vous en rendre très humbles mercis et suplications envers Dieu de parachever cete satisfacion pour moy en vous donnant heureuses victoires, proufitables paix et parfait contentement, et à jamais tenir en vostre bonne grace, à laquelle tant et si très humblement qu’il luy est possible se recommande Vostre très humble et très obéissante subjecte et mignonne

MARGUERITE. [ Ms. n" 5. ]