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DE LA REINE DE NAVARRE.

maintenant essuyé nos lermes, et m’a fait trouver véritaible la foy qu’il avoit mise en mon esprit, qui m’asseuroit que l’Empereur ne vous assailliroit point. Et vous, Monseigneur, m’asseuriez de ne hazarder riens, mais content d’avoir fait si belle conqueste que du duchié de Luxembourg, ne vouliez pour cet hyver passer plus oultre. Qui a esté si saigement fait que la gloire vous demeure plus grande, d’avoir fait ungne ville’en trente jours imprenaible à la plus grande armée que Empereur et Roy d’Angleterre ayent jamais faite ensemble, et luy fere lever son siége, et en sa barbe l’envitailler et rafraischir de gens, honorant ceux qui avoient porté ce faix tant que la

grace que vous leur faites fera mourir voulentiers cent mille houmes davantaige ; et puis retirer vostre armée sans doumaige, mais ayesques tant d’honneur que le nomcette lettre, ou très peu de jours après, une épître en vers où se retrouvent les mêmes pensées :

Car un chacun nous escripvoit : Sans faille, Demain le Roy donuera la bataille. O qu’il fut dur ce mot à l’avaler ! De voir mon Roy, voire et mon tout, aller Où je say bien que dangereux hazard A quelque Roy que ce soit fait la part ! Et si, say bien, congnoissant vostre cueur, Qui par honneur est de crainte vainqueur, Que, sans la mort ne vie regarder, A tout péril vous iriez bazarder. Landrecy fortifiée et avitaillée. Mais je craignois qu’à l’envitaillement De Landrecy se fist soubdainement Telle escarmouche et si grande meslee Qu’elle peust estre à bataille esgalée.