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DE LA REINE DE NAVARRE.

seu nuire ny à vostre réaulme ny à vostre personne, mais estes demeuré Roy victorieux, conquereur et saige et sain. Si est ce que tous ces beaux tiltres là et dons excellens sont couronnés par celuy que maintenant Dieu vous donné, d’estre grant père. Dont, Monseigneur, ne pensez seul avec ceux de vostre sang avoir joye, ny ceux qui en vous congnoissant vous aiment ; car le pouvre peuple, qui à peine savoit avoir ung Roy, a senty vostre grande joye ; dont la leur est telle, avecques toutes sortes de gens, qu’ils confessent n’en avoir jamais eu une telle. Et moy, Monseigneur, qui demy morte cete nuist d’ung reume qui me tient despuis celle de Nouel, oyant cete heureuse nouvelle que vous estes grant père d’ung si beau prince ; monseigneur le Daulfiu père ; madame la Daulfine, après tant de desirs et de crainte, mère’; M. d’Orléans et Madame, oncle et tante, qui sont tous nouveaux noms ; et moy, qui par affecsion me puis mettre en ce digne nombre, estre grant tante ; voyant en mon esprit tous ceux et celles que vous aymez vous rire en pleurant ; regardant les lermes que, je suis seure, saillent de vos yeux, par une joye d’aultant plus grande que celle vous vis à la naissance de vostre premier né, que cete cy estoit plus attendue et mains espérée, je vois tout vostre réaulme fortifié de cent mille hommes ; enrichy d’ung trésor infigny. La maladie seroit bien forte qui ne se tourneroit en santé, ou qui me garderoit de que je

Le Dauphin et la Dauphine étaient mariés depuis dix ans. Catherine passait pour stérile, et Diane de Poitiers, esperant la faire répudier, favorisait ce bruit. / Vovez t. I, la note p. 597.)