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DE LA REINE DE NAVARRE.

peult avoir m’ont fait tenir seure l’esperance que j’en avois, et prendre la hardiesse de vous escripre tout ce que j’en sentois, m’a donné une merveilleuse crainte de vous advertir du contraire de l’attente que j’avois que Dieu me donneroit quelque chouse par qui vous et les vostres eussiez tiré service. Mais il luy a pleu aultrement, coume j’ay seu que incontinent ceux qui ont tout veu le vous ont escript ; dont j’ay esté aultant malade d’avoir failly ce que je vous avois mandé, que de l’accident mesmes, dont je me treuve maintenant plus saine et forte que je ne faisois par avant. Et si n’ay failly à ce bout de mois de comoistre’ que

Nostre Seigneur me veult encores fere esperer mieux ; ce que je n’ay voulu faillir de vous escripre. Car je suis seure, Monseigneur, que l’amour qu’il vous plest me porter est telle que vous ne desdaignez d’ouïr ce qui me touche, me reconnoissant pour vostre chair et sang, vivant de vostre mesme esprist. Et fault que je vous die, Monseigneur, que le bien que nous avons icy d’estre seurs de vostre bonne santé est ce qui fortifie la nostre, saichant certainement que, vivant en santé, vos affaires ne peuvent que aller très heureusement. Vous suppliant, Monseigneur, pour le principal de vos affaires, conserver cete santé de laquelle despend tout le bien · La Reine écrivait dans la lettre 125 : « Vostre lettre est toute puissante, non seulement pour me réconforter d’avoir failly à faire un enfant, mais pour me donner la force d’en faire ung nouveau, tant qu’il plaira à Dieu me donner la congnoissance d’estre femme. » On voit par cette lettre-ci que son incertitude à cet égard était dissipée. La Reine avait cinquante ans.