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DE LA REINE DE NAVARRE.

pour ce loir, sans en parler à nul, il me semble que je ne vous doys celer la fin de son voyage. Et

que la lectre

seroit trop longue, je l’ay fait entendre à ce porteur pour le vous dire, afin qu’il vous plaise juger sur tous ces propous, si vous y pouvez avoir fiance ou non. Car la mortelle haine que l’Empereur vous porte me fait doubter non seulement des Espaignols, mais des François , principalement des gens de religion ; et ce beau père Salezart est homme de plus grant menée que je n’eusse pensé. S’il vous est aussy affectionné qu’il en jure et que je le voudrois, il a grand moyen de vous fere service par advertissemens ; mais s’il est tel que je crains, il vous fera plus de dommaige que de service, car il ny a rien en vostre court qu’il ne saiche, jusques aux secretes amitiés, et en parle très bien. Le général de leur ordre est passé par icy et n’a voulu voir l’Empereur, ny le duc d’Albe, ny le visroy de Navarre, qui l’avoient mandé

par Salezart : mais s’en va tout droit devers vous où que vous serez. Il est Corse, et parent proche de César Fourgouze’, et dist que la pluspart des siens sont morts en vostre service. Il est entierement au Pape, ennemy des Anglois et des Lutériens et de l’Empereur, le voyant pour certain joint à l’Anglois. Il s’en va recevoir le chapeau que le Pape luy a proumys ; et saichant, Monseigneur, les bons propous que le Pape tient et l’amytié qu’il desire avoir à vous (chouse qui me semble très necessaire d’estre couservée, princiCésar Frégose, assassiné avec Antoine Rincon, le 2 juillet 1541, comme ils allaient en ambassade de la part de François Ies, l’un à Venise, l’autre auprès de Soliman.