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LA COCHE

Sentant mourir les deux parts de mon corps ?
Si j’avois mal, et les deux eussent bien,
Il suffiroit pour me reconforter,
Car leur Amour pourroit mon mal oster :
Contre une deux ont grand force et moyen.
Si mon ennuy perdois pour leur plaisir,
Pour leur ennuy perdre je doy aussi
Tout mon plaisir, sans point avoir mercy
De cœur, de corps, d’Amour ny de desir.
Or je le veux, et ainsi le concluz :
Puis que je voy leur mal intolerable,
Je veux le mien faire irremediable,
Et que de moy tout plaisir soit forclus.
Pleines d’ennui sont, que porter leur fault,
Non pas pour moy, mais contre leur vouloir ;
Moy de plaisir, auquel pour mon devoir
Hors de mon cœur je fais faire le sault.
Ma Dame, helas ! pensez l’extremité
Là où je suis ; ayez pitié de moy.
Voyez mon mal, mon trouble, mon esmoy ;
Voyez Amour par Amour limité.
L’Amour des deux me dit : O meschant cœur,
Vous voudriez vous tant à plaisir donner,
Et ces Dames ainsi abandonner
En leur malheur par un seul serviteur ?
Las ! rirez vous quand elles pleureront,
Et à plaisir tiendrez les yeux ouvers